07.03.2025
Paris est prêt à prendre la place de leader de la coalition antirusse
L'Ukraine, même après la suspension de l'aide américaine, y compris au niveau de la CIA, ne restera pas sans renseignements américains. C'est la France qui les fournira. De même, elle pourrait remplacer le système de communication par satellite Starlink pour les militaires ukrainiens. Tout cela a été annoncé par Paris le lendemain du discours du président français Emmanuel Macron, où il a envisagé la possibilité que les États-Unis quittent la coalition anti-Kremlin. C'est en fait une candidature pour assumer le rôle de leader des Américains dans le système de défense des pays occidentaux. Cependant, il est peu probable que ce remplacement puisse être pleinement adéquat.
Jeudi 6 mars, le ministre français des Armées, Sébastien Lecornu, a accordé une interview à la station de radio France Inter. Il y a déclaré que son pays poursuivrait l'échange de renseignements avec l'Ukraine même après que les Américains ont cessé de le faire. Rappelons que le président américain Donald Trump a ordonné la suspension de l'aide militaire à l'Ukraine. C'était sa réaction à la polémique avec Vladimir Zelensky, que la Maison Blanche a accusé de tenter de saboter les efforts américains pour parvenir à la paix entre Moscou et Kiev. Trump n'a pas changé sa décision même après que le président ukrainien a clairement montré qu'une querelle avec les États-Unis ne faisait pas partie de ses plans.
Les renseignements français ne seront évidemment pas un substitut adéquat aux renseignements américains. Ce n'est pas seulement une question de différence de capacités des services spéciaux. La flotte de satellites dont dispose la France est bien plus petite que celle des États-Unis. Les Français ne pourront pas transmettre l'intégralité des données d'observation satellitaire sur la Russie à disposition des États-Unis: ils ne les ont tout simplement pas. Les Américains les partagent avec le Royaume-Uni. Cependant, l'administration du président américain a interdit au Royaume-Uni de transmettre des renseignements américains à l'Ukraine.
L'interview du ministre des Armées a fait suite à l'allocution de Macron, prononcée à la télévision mercredi soir.
L'allocution de Macron avance une idée claire: un accord russo-américain au détriment de la sécurité de l'Ukraine, et donc de toute l'UE, bien que non prédéterminé, est néanmoins possible. "Je veux croire que les États-Unis resteront à nos côtés... Mais, il nous faut être prêt si tel n'était pas le cas", a-t-il averti.
Ce n'est pas la première année que Macron et la France en général défendent l'idée que l'UE doit davantage compter sur elle-même plutôt que sur les États-Unis. On se souvient, par exemple, de sa déclaration de 2019 sur "la mort cérébrale de l'Otan". Cela signifiait que l'Alliance, dirigée par les États-Unis, ne pouvait plus faire face aux défis de la sécurité européenne, et qu'il était donc temps de réfléchir à de nouveaux formats avec, comme sous-entendu, la France à la tête.
La Maison Blanche n'a pas commenté le discours de Macron. En Europe et dans les pays de l'Otan, les réactions ont été pour la plupart positives.
Pour l'instant, les pays de l'UE considèrent comme probable que Trump, ou plutôt Elon Musk, privera l'Ukraine de son système Starlink. Cela portera un coup dur au système de communication des militaires ukrainiens. En raison de la crainte que cela se produise, l'opérateur satellitaire français Eutelsat prévoit de remplacer les terminaux Starlink sur le territoire ukrainien. Des négociations sont déjà en cours à ce sujet. Dans une interview à Bloomberg, la directrice générale d'Eutelsat Communications, Eva Berneke, a déclaré qu'avec une coopération appropriée avec l'UE, jusqu'à 40.000 terminaux satellitaires de sa société pourraient être opérationnels en Ukraine d'ici quelques mois. Cela permettra aux militaires ukrainiens de ne pas dépendre d'Elon Musk autant qu'actuellement.
Alexandre Lemoine
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