12.03.2025
Ce à quoi nous assistons en ce moment est la véritable fin de la guerre froide et la dislocation définitive des blocs. Le pseudo-Occident est sur le point d’éclater, alors que la Russie qui n’est plus «des Soviets» se voit offrir une revanche, sans pour autant profiter des circonstances pour rebâtir son ancien empire.
La Russie soviétique, sans combat, avait été défaite entre 1989 et 1991, laissant les États-Unis s’ériger en seule hyper-puissance. Les États-Unis disposaient subitement de la liberté de déployer dans le monde leur hubris.
Cette tentation hégémonique s’est vite traduite par l’imposition de règles à leur seul bénéfice et surtout par des dérives et perversions morales et sociétales instillées par ce que nous appelons l’État profond. Elles avaient pour but d’affaiblir, d’unifier et de standardiser les peuples pour les soumettre au bon-vouloir d’une caste transnationale mais essentiellement anglo-saxonne.
Pendant cette période où les États-Unis tentaient de renforcer leur domination, la Russie se rapprochait des puissances européennes et sous l’impulsion de son président se réorganisait et se reconstruisait. Débarrassée du fardeau de ses satellites et de son idéologie conquérante, elle redevenait naturellement une puissance européenne. En 2000 elle demanda son adhésion à l’OTAN que le président états-unien Bill Clinton rejeta.
Cependant les concepteurs de l’hégémonie étatsunienne, Kissinger, Breszinsky, Kagan… et surtout Wolfowitz, aveuglés par leur orgueil nationaliste, firent une mauvaise analyse. Ils en vinrent à considérer que la Russie résiliente était l’héritière de l’URSS et allait gêner l’établissement de la domination absolue de Washington. Il fallait donc l’anéantir.
Cette erreur est encore courante chez les dirigeants actuels des principaux pays européens qui croient à la menace russe. Constatons simplement que la Russie, après avoir récupéré la Crimée, en trois ans de guerre en Ukraine, n’a conquis que la part de ce pays notoirement russe, le Donbass, terriblement maltraité par les Ukrainiens.
Il est avéré, en effet, que les attaques de l’État ukrainien contre sa population russophone est à l’origine du souhait de celle-ci de demander la protection de la Russie. Par la suite le référendum, expression démocratique éminente, confirma massivement ce désir. Il contrariait le pseudo-Occident qui ne le reconnut pas. Les puissances otaniennes se référaient au principe de l’intangibilité des frontières et récusaient la référence que faisait la Russie à celui du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Ce fut sur cette conception que se fonda la légitimité de l’opération militaire spéciale.
Je note incidemment que le maintien du kaléidoscope des populations au sein des États issus du bloc de l’Est est le résultat de l’imperium soviétique. Moscou, présentement, est sur le point de contribuer à défaire ce que l’URSS avait tissé… Certes d’une certaine manière la Russie est l’héritière de l’URSS. On n’oublie pas soixante-dix ans d’un passé proche parce que le système politique a changé. Mais la Russie d’aujourd’hui débarrassée du marxisme, évolue dans une perspective de développement social et économique à l’instar des pays d’Amérique du Nord et d’Europe de l’Ouest, ce à quoi ailleurs aspirent la plupart des nations.
Cette vision accusatoire d’une Russie potentiellement belliqueuse a conduit ce pays à trouver des alliés ou des soutiens pour se protéger dans tous les domaines de la vie des peuples. C’est notamment dans ce besoin d’éviter un périlleux isolement qu’elle a contribué à l’émergence des BRICS+.
Nous ne pouvons que constater les conséquences de cette erreur majeure des États-Unis qui ont ainsi contribué sans le vouloir – et même en cherchant le contraire – à l’émergence d’une réunion d’États souverains concurrents et hostiles collectivement au pseudo-Occident. L’Occident est une civilisation poussant à l’élévation et à la dignité de l’homme en s’appuyant sur une transcendance. Les États qui disent appartenir à l’Occident ne répondent plus à cette définition.
La Russie s’est surtout rapprochée de la Chine constituant théoriquement avec elle un énorme ensemble auquel les États-Unis et leurs alliés seraient bien en peine de s’opposer.
Il a fallu la provocation des théoriciens états-uniens de l’application universelle de l’American way of life, approuvé par l’État profond et les néo-conservateurs au pouvoir à Washington, pour que la Russie intervienne en Ukraine par son opération militaire spéciale.
Ils envisageaient par une stratégie indirecte de la faire totalement s’effondrer [la Russie], puis de la partager en plusieurs États qui auraient été sous leur contrôle. La Russie d’Europe aurait pu alors se rapprocher d’une UE, déjà soumise par construction aux États-Unis. Victoria Nuland, la CIA et la NSA, ont étayé l’idée que l’Ukraine devait intégrer l’OTAN et l’UE. Cette perspective était évidemment inacceptable pour Moscou qui aurait vu les forces otaniennes à sa frontière sur près de 1400 kilomètres.
Cette provocation s’ajoutait au mensonge de James Baker à Gorbatchev qui promettait que les anciens pays du Pacte de Varsovie ne rejoindraient pas l’OTAN. La Russie se sentant menacée – et elle l’était – a été contrainte d’agir. Elle s’est défendue. Au début du conflit, alors que les protagonistes étaient prêts à engager des pourparlers de paix, les Occidentaux les firent capoter. Par la suite les accords de Minsk 1 et 2 s’avérèrent des entourloupes européennes pour mieux armer l’Ukraine.
L’irréalisme des États-Unis sous les administrations conservatrices s’avère confondant, tout comme est déconcertante l’attitude de suivisme des Européens. Ce pseudo-Occident a réussi à dresser contre lui une majorité de pays, à renforcer économiquement et militairement la Russie, à mettre en péril l’OTAN et à ruiner certains pays membres de l’UE.
Nous assistons donc à un basculement du monde. Le monde unipolaire, ou plus exactement la volonté d’établissement d’un monde unipolaire, est rejetée rudement au profit d’un monde multipolaire. Cette évolution répond enfin au souhait des nations.
Henri Roure, général français (2S)
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