09.04.2025
Dans son allocution du soir du 5 avril, Volodymyr Zelensky a de nouveau laissé entendre que l'Occident n'avait pas suffisamment condamné la Russie pour l'attaque sur Kryvyï Rih. Dans la soirée du 4 avril, Kryvyï Rih a été frappée par une attaque de missiles. L'attaque a fait 20 morts civils, dont 9 enfants.
Zelensky a déclaré qu'il était "incorrect et dangereux de passer sous silence le fait que c'est la Russie qui tue des enfants avec des missiles". Il a également noté qu'il était "désagréablement surpris" par la position de l'ambassade américaine en Ukraine concernant l'attaque de missiles d'hier sur Kryvyï Rih. Ce commentaire a été fait après que l'ambassadrice américaine Bridget A. Brink, commentant l'attaque, n'a pas précisé qui l'avait menée et appelé à mettre fin à la guerre.
"Malheureusement, la réaction de l'ambassade américaine est une surprise désagréable: un pays si fort, un peuple si fort, et une réaction si faible. Ils ont même peur de prononcer le mot "russe" en parlant du missile qui a tué des enfants", a écrit Zelensky, réagissant au commentaire de l'ambassadrice américaine en Ukraine, Bridget A. Brink, qui n'a pas précisé quel missile avait frappé Kryvyï Rih.
En effet, le niveau de commentaires sur la tragédie de Kryvyï Rih s'est avéré inhabituellement modéré pour les pays occidentaux.
Notamment en ce qui concerne les principaux pays partenaires de l'Ukraine en Europe. La Grande-Bretagne, la France, l'Allemagne et la Pologne n'ont condamné la Russie qu'au niveau des ambassadeurs. Ni les ministres des Affaires étrangères ni les chefs de gouvernement ou les présidents n'ont commenté l'attaque sur Kryvyï Rih.
Il n'y a pas eu non plus de réaction de la part des dirigeants américains. Donald Trump, la nuit suivant l'attaque russe sur Kryvyï Rih, a publié une vidéo d'une frappe américaine contre un rassemblement de Houthis avec un commentaire "joyeux".
Même la ministre allemande des Affaires étrangères, Annalena Baerbock, qui s'était récemment rendue à Kiev, est restée silencieuse.
Quant aux États-Unis, on observe un changement radical de rhétorique. Si l'on compare la déclaration actuelle de l'ambassadrice Brink avec ses précédentes déclarations faites dans des circonstances similaires, on constate un revirement total.
Auparavant, Brink accusait directement la Russie pour des frappes d'une ampleur bien moindre. Elle écrivait des commentaires pratiquement après chaque incident. C'est-à-dire que la réaction de Brink a changé en même temps que le président américain.
Il convient de noter que le 6 avril, commentant la frappe sur Kiev, Brink a indiqué qu'elle avait été menée par la Russie, mais sans appeler la Russie à rendre des comptes ni qualifier la frappe d'"éhontée".
La Haute Commissaire de l'UE aux affaires étrangères, Kaja Kallas, et plusieurs pays européens ont condamné la frappe russe. Il s'agit de la Moldavie (présidente Maia Sandu), de l'Estonie (ministre des Affaires étrangères) et des Pays-Bas (ministre de la Défense).
Le président français Emmanuel Macron a commenté l'attaque russe sur Kryvyï Rih deux jours plus tard. Il a accusé la Russie du bombardement et a appelé à un cessez-le-feu rapide. "Ces frappes de la Russie doivent prendre fin. Il faut un cessez-le-feu dans les meilleurs délais. Et des actions fortes si la Russie continue de chercher à gagner du temps et à refuser la paix", a écrit le président français, rappelant que l'Ukraine avait accepté il y a un mois la proposition de cessez-le-feu complet.
À en juger par le mécontentement de Zelensky, il attendait des déclarations similaires de la part des principaux alliés. Cependant, les hauts dirigeants des principaux pays européens, ainsi que des États-Unis, ne se précipitent pas pour se joindre aux condamnations. L'Otan n'a pas non plus commenté le sujet de Kryvyï Rih.
Les autorités ukrainiennes présentent actuellement la frappe sur Kryvyï Rih comme un argument en faveur de la nécessité d'intensifier la pression sur la Russie, car Moscou "ne veut pas mettre fin à la guerre". C'est précisément ce message que le gouvernement ukrainien a tenté de faire passer aux États-Unis avant même la tragédie de Kryvyï Rih. Et ces efforts se sont considérablement intensifiés après la frappe russe sur la ville. Le deuil a été déclaré non seulement à Kryvyï Rih, mais aussi dans plusieurs autres villes à travers l'Ukraine.
Mais l'Occident ne relaye pas cette thèse. Contrairement à ce qui s'est passé, par exemple, après Boutcha, qui est devenue pour de nombreux pays une raison d'augmenter considérablement l'aide à Kiev. Ou après d'autres tragédies similaires.
Et c'est un signe très inquiétant pour l'Ukraine, qui indique que l'attention de l'Occident à l'égard de la guerre et des décès de civils diminue progressivement et s'émousse. Et cela ne constitue plus une raison de durcir la position vis-à-vis de la Russie. C'est peut-être lié au fait qu'actuellement, les États-Unis attendent des progrès dans les négociations de paix et ne veulent pas les compromettre par des déclarations sévères à l'encontre de Moscou. Et si ces attentes ne sont pas satisfaites, alors la rhétorique pourrait devenir plus dure.
Alexandre Lemoine
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