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Taxe Tobin ou taxe Zucman: quand le débat fiscal brouille les cartes

30.10.2025

Les médias économiques évoquent volontiers la «taxe Zucman», cette idée d’un impôt mondial sur les grandes fortunes ou sur les multinationales. En revanche, la «taxe Tobin», pourtant plus ancienne et tout aussi ambitieuse, a disparu du vocabulaire public. Est-ce une simple évolution du débat, ou une manière plus subtile d’embrouiller les citoyens sur les vrais enjeux de la finance mondiale?

1. Deux taxes sœurs aux ambitions très différentes

À première vue, la taxe Tobin et la taxe Zucman visent un même adversaire: la finance internationale. Pourtant, leurs cibles diffèrent profondément. La première, conçue dans les années 1970 par l’économiste James Tobin, voulait ralentir la spéculation sur les marchés des changes, en taxant faiblement chaque transaction de devises. Elle cherchait à «mettre un peu de sable dans les rouages» de la machine spéculative.

La taxe Zucman, imaginée cinquante ans plus tard, cible au contraire la concentration de richesse et l’évasion fiscale. Il s’agit d’imposer les profits mondiaux des multinationales ou les patrimoines supérieurs à cent millions d’euros, au nom de la justice sociale. Deux logiques distinctes: l’une veut ralentir le flux, l’autre corriger le stock.

2. L’air du temps: de la régulation à la morale fiscale

Après la crise de 2008, la critique des marchés financiers dominait encore. Aujourd’hui, l’opinion publique s’émeut davantage des inégalités que de la spéculation. Ce glissement explique pourquoi les médias privilégient Zucman à Tobin. Le premier incarne la lutte contre les riches qui échappent à l’impôt ; le second, la régulation d’un système devenu incontrôlable.

Les journalistes généralistes, souvent peu familiers des subtilités de la finance, résument tout cela à «une taxe sur la finance». Mais dans cette simplification, le sens politique change: on ne remet plus en cause la mécanique des marchés, on demande simplement qu’elle redistribue un peu mieux ses fruits.

3. Une confusion parfois entretenue

Pour les gouvernements, cette confusion n’est pas désagréable. Parler d’une «taxe mondiale sur les riches» flatte l’opinion sans inquiéter les marchés. Une véritable taxe Tobin, appliquée unilatéralement, ferait fuir les capitaux et inquiéterait les places financières. En revanche, la taxe Zucman, même symbolique, ne remet pas en cause la liberté de circulation des flux financiers.

Ainsi, la référence à Zucman devient un paravent commode: on dénonce la fortune sans toucher à la spéculation. Le discours paraît social, mais demeure compatible avec le modèle financier dominant.

4. La bataille des mots

Enfin, il y a la question du vocabulaire. «Taxe Tobin» appartient à l’ère des forums sociaux et de l’altermondialisme. «Taxe Zucman» évoque les think tanks, l’OCDE et les sommets du G20: une modernité technocratique. Les médias reprennent naturellement les mots du temps présent et contribuent ainsi à effacer l’héritage de Tobin.

En conclusion: la finance au service du bien commun. La disparition du mot «Tobin» n’est pas un hasard, mais le symptôme d’un changement d’époque: l’Occident préfère parler de morale fiscale plutôt que de régulation financière. Ce n’est pas forcément une manipulation, mais une inversion du sens du combat: on s’indigne des inégalités visibles, tout en laissant prospérer la logique spéculative qui les engendre.

Pourtant, d’autres modèles montrent qu’une finance encadrée peut servir directement le bien public. La Constitution fédérale suisse, en son article 99, alinéa 4, stipule que la Banque nationale suisse verse au moins deux tiers de son bénéfice net aux cantons. Autrement dit, la redistribution d’une partie des profits bancaires à la collectivité n’est pas considérée comme une exception, mais comme une normalité constitutionnelle.

Cette disposition illustre une philosophie politique simple: la création monétaire et les bénéfices financiers issus de la stabilité économique appartiennent en partie à la communauté nationale. En France, un tel principe pourrait inspirer une réforme fiscale durable, où la taxation des transactions (Tobin) et la redistribution des profits (Zucman ou banques centrales) ne s’opposeraient pas, mais se compléteraient.

Ce serait alors une économie du juste retour, où la finance, loin d’être un prédateur abstrait, redeviendrait un instrument de prospérité collective — à l’image de ce que la Confédération helvétique considère depuis longtemps comme un devoir d’équité républicaine.

Sigurdhur

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